Acheter un livre en librairie ne m’était jamais apparu comme un acte militant désirable. Acheter un livre en librairie, c’était acheter un livre, point. Parce que j’en avais entendu parler, parce que j’avais lu un truc sur l’auteur, vu une émission… Cet achat n’était en tous cas pas le fruit d’un échange passionné avec le libraire. Le libraire me faisait peur. Ou plutôt, sa question me faisait peur. “Qu’est ce que vous aimez lire en général ?” À ces seuls mots, mon cerveau se mettait en activité maximale pour traiter une suite infinie et ambiguë d’informations dans le but d’en extraire la substantifique moelle et de formuler une réponse cohérente qui devrait être représentative de ce “en général”.
Parce que bien sûr dans cette salle des machines il y a les envies de lectures, les aspirations à s’évader et/ou s’instruire et/ou se divertir et/ou réfléchir… plus, l’estime de soi à bichonner, plus, ce qu’en pensera ma mère (plus, la question de savoir ce que fait ma mère ici), plus, et surtout surtout, ce qu’en pensera cette personne qui est en train de me regarder. Elle attend ma réponse. Elle a la tête légèrement penchée. Elle sait, et je sais qu’elle sait. Je vais devoir sacrifier le secret de mon identité profonde, plus aucun masque ne tiendra après ça. L’espace de quelques microsecondes, elle a un air austère de compassion et le malaise qui s’installe me semble être notre seule mise en commun. Je livre une réponse (parmi tant d’autres potentielles). Ça y est elle sait, elle me juge. “Mmm, tu ne crois plus en Dieu et tu cherches des réponses ailleurs…” “Mmm, tu as peur de vieillir…”, “Mmm, tu rêves encore du Prince charmant”, “Mmm… tu as physiquement 40 et encore 12 dans la tête”. Je suis grillée.
Et puis, j’ai rencontré les membres de l’association des libraires du Sud qui nous ont consulté pour revoir leur site, leur communication, leur image dans le but de séduire davantage “les non-habitués”. Nous avons pris du plaisir à échanger. Ils étaient chaleureux, drôles et passionnés et ils ne me regardaient pas avec la tête penchée. Ils ne me faisaient plus peur.
Et puis j’ai vu ce petit film, “Bref, je suis libraire”, qui résume gaiement le combat que mène David pour défendre la diversité culturelle française et le commerce de proximité face à Goliath et autre Amazon ou Géants alimentaires.
Et puis, il y a eu l’enquête. Nous l’avons réalisé car nous sentions une coriace dissonance (que les résultats ont confirmé) entre l’image que les libraires avaient d’eux-mêmes (chaleureux, drôles et passionnés) et l’image que les “non habitués” avaient des libraires (intellectuels, austères et inquiétants).
Défendre la “cause” ne pouvait pas être un argument fondateur pour motiver les gens (d’abord parce que les libraires ne veulent pas être “une cause”) et surtout parce que pour vouloir défendre leur cause, encore faut-il aimer ces gens et ne pas en avoir peur. Démanteler l’image austère et poussiéreuse des libraires devait être le point de départ, tout en restaurant une vérité simple : les libraires sont là pour nous procurer du plaisir, pas pour nous juger.
Maintenant je le sais et je prends plaisir aller en librairie et à favoriser le commerce de proximité et la défense de notre exception culturelle française.
Travail d’émergence de la raison d’être de la librairie indépendante et des messages clés
Étude qualitative autour de l’image de la librairie indépendante
Reformulation des bénéfices en direction des consommateurs
Conception rédaction : campagne, slogans, discours de marque, nouveau site, nom de la plateforme de réservation
Site web / www.librairesdusud.com